INTRODUCTION : LA NAISSANCE DE LA TÉLÉ-RÉALITÉ

Publié le par Coraline

 

 Le tout premier ancêtre de la télé-réalité est l’émission An American Family  apparut en 1973 sur la chaîne PBS aux États-Unis. A première vue rien de très innovant, on y suit en 12 épisodes 7 mois de la vie de la riche famille Loud dans la ville de Santa Barbara, en Californie. On pourrait presque parler de « série » si cette famille n’était pas filmée au jour le jour directement par des caméras placées au domicile, donnant accès à leur vie privée, ce qui est totalement nouveau et surprenant à l’époque. Le programme se concentre sur la situation difficile des Loud, car les parents divorcent. La production s’axe également sur la particularité d’un des fils, Lance, qui est homosexuel ; ce dernier a été l’un des premiers personnages ouvertement gay à la télévision, et devient même une icône gay. Que ce soit de l’intérêt, de l‘indignation, ou de la simple curiosité, An American Family ne laisse en tous cas pas indifférent et déclenche beaucoup de controverses et de scandales débattus dans la presse, tout en atteignant des audiences de plus de 10 millions de téléspectateurs pour certains épisodes.    af02       af 01

                                  

 Le concept est lancé et se propage vite. En 1974 apparaît The Family en Angleterre puis en 1992 arrivent Sylvania waters en Australie et The Real World aux Etats-Unis. Après Airport révélé en 1996 sur la chaine britannique, la Suède s’y met à son tour, produisant en 1997 l’Expédition Robinson, avec pour le dernier épisode de la saison plus de 4 millions de téléspectateurs sur une population de 8,8 millions de Suédois. Le genre connaît un succès grandissant, qui explose avec l’apparition de Big Brotheren 1999 sur la petite chaîne hollandaise Veronica. L’émission remporte des pics d’audiences incroyables et est aussitôt adaptée dans plusieurs pays : Grèce, Belgique, Allemagne, Italie, Espagne, Australie, Argentine, Suède, Portugal, Norvège, Pologne, Etats-Unis, Suisse…

Dans un même temps, la France développe depuis la fin des années 1980 un nouveau climat propice à l’apparition du phénomène, tout d’abord par une crise de défiance. En effet, les Français ont de moins en moins confiance dans les médiasi, par exemple à cause d’affaires comme celle du faux charnier du Timisoara survenu en 1989ii. Les discours d’informations ne correspondent pas à l’idée qu’ils se font du monde. Ils refusent de croire les statistiques, et veulent s’identifier à une personne bien représentative de la société plutôt qu’à un chiffre, qui pour eux est faussé. De même en politique, les Français n’ont plus confiance dans les politiciensiiià cause de leurs statuts trop éloignés d’eux, ils ne vivent pas dans le même monde. Le peuple veut des représentants qui lui ressemblent, surtout les jeunes. De cette demande de réalité apparaissent les reality-shows, inspirés de COPSproduit en 1989 par les Etats-Unis, qui consistait à suivre le quotidien de travail des policiers américains, essentiellement pendant les poursuites de délinquants. On voit donc naître en France des émissions tel que, Perdu de vue, Témoin n°1, La nuit des héros, Les Marches de la Gloire, etc. C’est aussi le commencement des talk-shows,où un animateur discute d'un sujet déterminé avec des invités, tel que dans The Oprah Winfrey Show; ainsi que des docusoaps (feuilleton documentaire) comme Driving School et Paddington Green, des personnes de la vie quotidienne aux prises avec les enjeux réels de leur milieu professionnel ou social y devenaient des personnages, voire des héros de la télévision. Tous ces programmes sont en fait des sortes d’esquisses de la téléréalité qui, elle, n’apparaît véritablement qu’en 2001 avec Loft story sur M6. A la différence des reality shows qui présentent des individus ordinaires vivants des situations extraordinaires, la télé-réalité montre des personnes ordinaires vivant artificiellement des situations ordinaires. En effet le concept est que 12 célibataires coupés du monde doivent vivre dans un loft où toutes les pièces sont équipées de caméras vidéo et de micros. Ils sont ainsi filmés 24 heures sur 24. Cette durée est une différence importante avec les reality shows.

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C’est le début d’un mythe. Le mythe d’une réalité enfin dévoilée, d’un véritable écran sur le monde et le quotidien des individus. Dans Loft Story, les candidats n’ont pas de talent particulier, ils sont « normaux » (par exemple ce ne sont pas des politiciens), ils semblent donc plus proches des Français. La devise du Loft « soyez vous-mêmes », semble offrir au public des comportements et des réactions enfin spontanés et sincères. Le nouveau nom de télé-réalité incarne alors un commencement absolu, sous-entendant qu’aucun autre programme n’avait parlé de la réalité avant, ne l’avait vraiment montrée à ce point, aussi vrai, simple et dénudée. L’icône de l’émission représentée par un œil fixe, scrutateur, illustre bien ce concept inédit proposé aux téléspectateurs. Cette nouvelle appellation du genre, et sa nouvelle image, est un véritable marketing pour la production auprès du public, et donne enfin un titre français à ce nouveau phénomène mondial qui va se développer sur nos écrans d’années en années…

 

 

 

 

i En décembre 2000 un sondage de la SOFRES témoigne d’une chute de la crédibilité des français dans les médias, de 58% à 47%. [Télé-réalité, François Jost]

ii L’affaire a eu lieu en décembre 1989 lors de la chute du régime Ceausescu : les médis occidentaux, en particulier français, annoncent quelques centaines de morts, puis jusqu'à 70 000 morts quelques jours plus tard. On parle de « charniers »[]. L'affaire semble essentiellement due à une compétition des médias entre eux, chacun reprenant l'information du concurrent en l'amplifiant. C'est le journal Le Figaro qui dans son édition du 30 janvier, annonce qu'il s'agissait d'un faux, que les morts montrés à la télévision avaient été déterrés du cimetière de la ville. [Wikipedia]

iii En 2001, 75% des français déclarent ne pas faire confiance aux hommes politiques, les jeunes sont les plus sévères, ils sont 82% contre 52% des plus de 65 ans. [Le Monde, 17 avril 2002]

 

 

 

 

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